La souffrance d'autrui
dernière intervention : le 31 octobre 2018 - 14/06/2020
Lorsque je recontre un ami ou une personne inconue qui viens me parler de ses souffrances, je m'efforce alors de ne pas minimiser leur douleur, et surtout de ne pas la relativiser ou la comparer à une autre souffrance .
Rien de plus facile en effet que d'évoquer la guerre, la pauvreté dans le monde, les famines, les souffrances des autres : « Tu vois, tu n'es pas si malheureux ! »
Sous une apparence d'évidence, cette réponse est ridicule, même méchante, et surtout complètement idiote !
Comment est-il possible de juger de la souffrance des autres ?
Et comment en mesurer le niveau ?
Même une personne en bonne santé et qui a en apparence « tout pour être heureuse » peut ressentir chaque nuit d'horribles angoisses, être envahie de désespoir le matin au point de ne pas réussir à sortir de son lit, souffrir d'un manque d'amour, de solitude ou, plus profondément encore, d'un abîme dans son âme dont elle ne voit pas le fond. Sans savoir pourquoi, ni les causes profondes de son mal, elle est rongée par la souffrance et c'est une cruauté d'aller lui dire que sa vie n'est pas si dure.
La première chose que j'essaye de faire est vraiment de montrer avec des mots, des gestes, que non seulement je comprends cette douleur mais même que je la ressens moi aussi, au moins en partie. Et c'est une autre souffrance de ne pas en voir de retour.
Parfois devant la souffrance d'inconnus à la télévision, même dans des films où nous savons pourtant que ce sont des acteurs… notre gorge se noue, nos tripes se tordent, nous avons envie de faire quelque chose face à la douleur ou à la bêtise.
L'amour qui soigne
Et parfois cete attitude procure déjà un soulagement à ceux qui souffrent. Un soulagement, et même parfois une joie vers un début de guérison, une porte qui s'ouvre.
Ce n'est pas pour rien que, dès qu'il nous arrive malheur, nous appelons les personnes que nous aimons ou qui auraient dù nous montrer leur amour, notre mère bien souvent. Inconsciemment, nous pensons que raconter notre malheur permet de partager notre douleur, au sens propre du mot "partager". Nous donnons un petit peu de douleur à chaque personne autour de nous si bien que la nôtre s'atténue et devient plus supportable. C'est dans ce schéma que se trouvent les personnes qui se sont adressées à moi, et je les écoute, je sers un peu de "tampon", de "mouchoir" !
Et le soulagement peut aller très loin : les personnes qui ont connu de grandes épreuves et qui ont la chance d'avoir pu en faire un livre, un documentaire ou un film à succès, faisant ainsi connaître au monde entier leur souffrance, peuvent déclencher tant de compassion qu'elles-mêmes pourraient presque finir par se réjouir du malheur qui les a affligés car il leur rapporte tant de chaleur humaine.
C'est la force incroyable de la compassion.
D'où l'importance cruciale de veiller à exprimer autant que nous le pouvons notre compassion auprès des autres, et surtout vers les personnes en souffrance. Nous avons là, souvent sans le savoir, un bien inestimable, un trésor que nous pouvons distribuer à pleines mains, sans que cela ne nous retire quoi que ce soit, bien au contraire.
Ne pas se laisser envahir par l'indifférence
Bien sûr, nous avons aussi une capacité d'imagination qui nous permet de nous protéger, ( certains disent "se blinder") face à la douleur. C'est à dire qu'il est coutûmier de "penser à autre chose" pour se cacher à soi-même la douleur que l'on a sous les yeux, faire comme si elle n'existait pas.
Même si regarder "homme de douleur" droit dans les yeux, voir ses blessures, lui parler, est parfois hors de portée immédiate, il FAUT faire l'effort de se surpasser, se prouver qu'on est humain. Bien entendu, plus nous vivons plus nous croisons de personnes, (que nous ne reverrons sans doute jamais,) plus nous ferons semblant qu'elles ne sont pas en souffrance, en tentant de rester concentré sur nos pensées, plus nous nous écarterons de la voie sur laquelle nous devrions tous rester : le RESPECT de soi et des autres.
Il nous faut conserver notre humanité
C'est inutile de garder en tête l'anonymat des grandes villes, la solitude au milieu de la foule, et surtout pas la bassesse humaine ! Car ces pensées, bien qu'elles soient bêtement infantiles, sont très dangeureuses. S'il paraît "normal" aux gens des villes et mégapoles de ne pas chercher à s'intéresser à chaque personne quand on frôle chaque jour des milliers de visages, dans les villages où règne encore une certaine convivialité, les habitants n'ont pas plus de courage que les citadins. Se promener partout avec des écouteurs enfoncés dans les oreilles, interdisant aux autres la moindre tentative de communiquer, les capuchons, foulards, bonnets et mêmes grandes lunettes de soleil opaques visant à se dissimuler la tête ou le visage, créent une atmosphère d'indifférence voire de défiance insurmontable, même avec la meilleure volonté du monde. Cela a gangrèné toutes les zones couvertes par la télévision ! Mais nous ne sommes pas plus ni moins humains, généreux ou sensibles que nos aieux !
Mais quoi qu'il arrive, tout cela ne doit pas changer notre vraie nature, cette extraordinaire capacité de compassion que nous avons en nous, qui est une magnifique manifestation de l'amour.
Des expériences scientifiques ont montré que 99% des gens souffrent en voyant quelqu'un d'autre souffrir.
Et c'est une compassion contrôlée et volontaire que nous devrions tous mettre en fonctionnement permanent !
Par exemple, ici ma façon de voir un cas douloureux s'il en est.